T@ctique du Diable : "Ils tombent tous dans le gâteau!"
Voici le courrier envoyé par le Diable à son neveu, apprenti-démon, à propos du piège de la gourmandise.
"Trop facile !" dis-tu ? « Tous les novices du vice tombent dans le
panneau: vous méprisez la gourmandise comme une arme bas de gamme,
et rêvez de tentation plus subtile.
Pourtant, fiston, la
gourmandise, ce n'est pas de la petite bière.
As-tu souvent
entendu un prêtre monter en chaire pour mettre en garde contre ce
travers (de porc)
Notre désinformation a focalisé le péché sur
la gourmandise du glouton en faisant passer celle du gourmet pour un
raffinement.
Le message cible est aussi simple que génial - "Le
péché est dans la quantité".
En un mot, la grosse bouffe a
occulté toutes les fautes subtiles dissimulées par la gourmandise.
La tactique est de se servir des papilles de l'homme pour provoquer
en lui égoïsme, impatience, récriminations, manques de charité.
Tiens, observe sur Canal M666 le cours magistral de notre frère et
grand maître Glucose.
Vois, par exemple, comme il manipule
cette vieille dame.
Oh! il ne lui faut pas grand-chose,
seulement ce thé de marque, servi à telle heure, à telle
température, avec la moitié d'un toast chauffé à point et recouvert
de marmelade de chez Hédiard.
Glucose est très fort. Ce qu'elle désire ne pèse pas lourd dans un
estomac, mais elle le veut au point de réduire son entourage en
esclavage.
Elle ne commet jamais d'excès de bouche, elle
cherche seulement la perfection de la dégustation avec une
obstination qui terrorise ses proches.
Son estomac domine sa
vie entière et celle des siens. C'est la torture avec un petit thé.
Glucose a les dents longues. Il a réussi, chez les chrétiens, à
rendre ridicule ou superflu le jeûne du vendredi.
Oubliées les recommandations d'Ignace,de l'Aïoli (ou de Loyola, je
ne sais plus) .
"C'est surtout pour les plats cuisinés qu'il
faut tenir compte de l'abstinence [... ].
Cela se fait de deux
façons : soit en s'habituant à se nourrir d'aliments ordinaires,
soit en mangeant peu d'aliments recherchés".
Regarde cette profusion de plats préparés que ces hommes et ces
femmes stressés ne prennent même pas le temps de savourer, et
absorbent à la hâte, avec une sorte d'avidité triste.
Vois
aussi cette femme très pieuse qui, elle, tient à respecter le jeûne
mais prépare - sous couvert de ne pas manger gras - une sole à la
Colbert et un homard mayonnaise en entrée !
Oh, légalisme
chéri, que de merveilles faisons-nous en ton nom !
Et ce père de famille à qui Glucose a subtilement inspiré une lutte
anti-gaspi « par respect pour les enfants qui meurent de faim dans
le monde ».
Le pauvre exaspère femme et enfants avec ses restes
indigestes, son pain rassis, ses prêches et ses récriminations.
L’unité familiale éclate grâce à une intention généreuse !
Savoure également le spectacle de ce jeune homme qui roucoule de
fierté en servant à ses convives ses belles (et) boules de crème
glacée.
Glucose l'a amené à la gourmandise par la vanité.
L’art culinaire est devenu pour lui un instrument de conquête et de
domination.
Bien sûr, mon neveu, les Cieux sont plus gros que le ventre, mais ne
laisse pas tomber la gourmandise.
Essaie de décrocher un stage
chez Glucose.
Tu découvriras la délectation de réduire un homme
à l'objet de sa convoitise - une cigarette, un whisky, un bon
plat...
Le jour où l'absence de l'un de ces biens, auquel il tient mordicus,
le fera sortir de ses gonds, tu le tiendras par la gueule comme une
carpe à l'hameçon.
Sa charité, son sens de la justice, son
obéissance seront à ta merci. (Et dire - mais entre nous, hein ?
- qu'il suffit d'un petit effort quotidien de modération pour mettre
Glucose en déroute.
Et puis, quand tu auras atteint le niveau G+, tu seras initié au
grand art de la gourmandise spirituelle.
La question est trop
complexe pour qu'on l'aborde en fin de courriel...
Mais là, mon neveu, tu n'as pas fini de te régaler !» E-mailzebull