T@ctique du Diable: "Du flou sur le flouze !"
Cette semaine, le diable enseigne à son neveu, apprenti-démon, les meilleurs investissements pour se gagner des âmes.
Alors, euro ? Merci de ces nouvelles de ton stage chez Banco, Sicave
et Chourave, nos agents de change...
qui donnent bien le change, n'est-ce pas ? Leur premier placement
rapporte immédiatement.
Il s'agit, comme pour les autres péchés, de rendre floues les
frontières, élastiques les limites... et les élargir.
Fais donc le flou sur le flouze !
L’avarice, aujourd'hui, se
réduit à un vague manque de générosité.
Bon, bof ! pas grave...
La plupart des cathos ont sur ce point
une conscience extensible.
Et qui irait s'imaginer qu'être tracassé par l'argent fait partie de ce
que l'Autre appelle un péché capital ?
Capital ? Investis à long terme, fiston.
Inquiète ton client pour
son avenir.
Que personne, surtout, ne s'avise de lui montrer qu'il n'a jamais
manqué de rien, et que l'Autre s'est toujours occupé de lui.
Si l'un des cathos de son entourage lui parle de confiance en la
Providence,
qu'il puise dans le bon sens - "Etre chrétien, c'est n'être ni
optimiste, ni pessimiste, mais réaliste".
Ou inspire lui cette répartie : "Tu sais, moi, je suis humain, je ne
prétends pas être un saint'.
En plus, il croira que c'est de l'humilité
Débrouille-toi pour que son banquier ou son conseiller financier
soit un inquiet
ou quelqu'un de pas trop fiable, c'est monnaie courante.
Ton client perdra ainsi un temps précieux et une énergie
considérable à recouper ses infos, à vérifier, à s'inquiéter, à se
ronger les ongles.
Ses ailes de gérant l’empêcheront de
marcher... vers l'Autre.
Trouble-le dès qu'il s'avise de comparer le temps voué à son bas de
laine avec celui qu'il consacre à sa famille ou à la prière.
"C'est mon devoir d'état, je dois gérer", répondra-t-il à sa femme qui
lui demande un peu d'attention.
N'oublie pas les enfants, là-dedans.
Qu'on parle d'argent à
table, d'économies, des soucis pour "construire l'avenir".
Bientôt, ils connaîtront les lois du Marché mieux que celles du
Caté, et les obligations plus que les Commandements.
La Bourse sera leur vie.
Sois malin, coco. Il n'est pas gênant que ton client donne, à
l'occasion. Au contraire, ça le déculpabilise.
Mais veille à ce qu'il le fasse savoir, et qu'il ne donne qu'à des
proches qui le remercient ou des amis pleins de gratitude.
Ne lui mont re pas qu'il s'est payé de retour.
Tu
l'entretiendras ainsi dans une totale illusion sur sa prétendue
générosité.
Rajoute un zeste de jalousie.
Rien de tel pour accroître
l'obsession de ce qui lui manque.
La comparaison est la racine de l'envie.
S'il peut, par le travail, par l'école des enfants, ou par la
paroisse, fréquenter quelques personnes aisées, séduisantes, au
bonheur affiché, il finira par penser: "C'est fou ce que la vie
serait plus agréable si on avait plus de moyens."
Ton client deviendra ainsi un boulifrique Il accumulera des sommes
qu'il n'utilisera pas... mais on ne sait jamais".
J'adore cette petite phrase qui bloque les cœurs et les comptes.
Agé et chenu, il continuera de s'inquiéter pour ses placements.
Bien sûr, cet argent est destiné aux enfants - comme s'ils n'étaient
pas capables de se prendre en main et de bouffer un peu de vache
enragée - mais il y est en fait secrètement attaché.
Et si tu bosses bien, fiston, tu arriveras à entendre ce chantage
exquis :
"Avec tout ce dont vous allez hériter - le fruit de mon dur labeur -,
j'ai bien le droit à ce que vous veniez un peu plus souvent à la
maison..." A ce mot d'héritage, je te devine dressant ton oreille
pointue : tu as raison. C'est un moment délicieux que de voir ces
bonnes familles chrétiennes se déchirer pour quelques cuillères en
argent. Si jamais tu oublies que l'oseille mène le monde - c'est
vraiment difficile, même pour un novice du vice, un bizuth de
Belzébuth ! -,
rappelle-toi que c'est grâce à la convoitise que mon ami l'Iscariote
a accompli mon plus beau coup.
Trente deniers, l'imbécile...
Bien avant de se passer la corde au cou, il s'était déjà étranglé le
cœur.
C'est ce que j'appelle "ouvrir un compte d'enfer". Je t'en impose,
n'est-ce pas ? » E-Mailzebull